Cher doctorant ou post-doctorant êtes-vous confronté à un choix déchirant entre poursuivre votre rêve inaccessible de devenir chercheur confirmé  ou prendre un nouveau départ vers des horizons prometteurs ?  

 Je sais ce que c’est, je suis moi-même passée par là.

Il m’a fallu plusieurs années avant de renoncer à une carrière académique. Six années à courir après le fameux GRAAL pour tout jeune chercheur, c’est-à dire obtenir un poste à l’université ou au CNRS.

Pourtant , je savais au fond de moi que mon voyage au sein de l’université prenait fin et que tout ce que je faisais, c’était juste prolonger une situation qui n’était plus viable. 

Dans cet article, je vais vous parler de l’erreur de pensée des coûts irrécupérables. Ce biais cognitif qui joue un rôle crucial dans ce type de situation. Je donnerai quelques raisons pour lesquelles il est difficile de prendre la décision de quitter le monde académique puis je détaillerai celle qui est liée à un biais de pensée très connu qui se manifeste dans cette situation.

Quatre raisons qui vous empêchent de prendre la décision de quitter

  1. Passion et aspirations: En tant que post-doctorant, vous avez probablement développé une passion pour votre domaine de recherche, ce qui peut vous donner l’impression qu’abandonner reviendrait à renoncer à vos rêves et aspirations.
  2. Identité académique: Après avoir consacré des années à votre doctorat, il est compréhensible que vous ayez construit une identité de chercheur universitaire. Quitter le monde académique peut sembler menacer cette identité. Vous pensez que toute votre valeur  se résume à votre titre de docteur. Que vous ne pouvez pas vous  projeter dans de nouvelles voies professionnelles où vous pourrez exploiter vos compétences et connaissances acquises.
  3. Pression sociale et familiale: Vous ressentez la pression de votre famille ou de la société pour poursuivre une carrière universitaire. Cette pression rend difficile l’acceptation de l’idée de ne pas répondre à ces attentes. Vous avez du mal à prendre le recul et ne considérer que ce qui est vraiment important pour vous et votre épanouissement personnel et professionnel.
  4. La quatrième raison sur laquelle je souhaite particulièrement attirer votre attention dans cette article est que vous êtes peut-être victime de ce qu’on appelle le biais des coûts irrécupérables. Cette erreur de pensée que nous commettons lors de la prise de décision de ne plus poursuivre dans une voie dans laquelle nous nous sommes beaucoup investis.

Dans ce qui suit vous trouverez  un bref aperçu de ce qu’est le biais des coûts irrécupérables,  vous saurez pourquoi il est important d’en avoir conscience et  vous propose cinq clés pour le surmonter, si vous pensez que vous êtes coincé dans une voie sans issue.

Le biais des coûts irrécupérables : définition

Le biais des coûts irrécupérables, également connu sous le nom d’effet de coûts engagés (Sunk Cost Effect), est une tendance à prendre en compte les coûts déjà engagés lors de la prise de décision, même s’ils ne sont pas pertinents pour l’avenir. Cette focalisation excessive sur les investissements passés plutôt que sur les gains futurs potentiels peut conduire à des décisions irrationnelles.

En d’autres termes, ce biais cognitif nous pousse à tenir compte des frais financiers, du temps et des ressources déjà investis lorsqu’il s’agit de décider d’abandonner une activité. Cependant, il s’agit d’un comportement illogique par nature.

Ce biais est étroitement lié à un autre biais cognitif, celui de l’aversion à la perte. Il crée l’illusion que les pertes sont plus importantes et méritent plus d’attention que les gains, même si leur valeur est la même.

Pour mieux comprendre cette erreur de pensée, prenons un exemple classique : vous avez dépensé de l’argent pour aller voir un film au cinéma, mais une fois que le film commence, vous vous rendez compte que vous ne l’aimez pas du tout. Devriez-vous arrêter de regarder plus tôt (un choix rationnel, car vous pourriez utiliser votre temps et votre argent de manière plus judicieuse) ou devriez-vous rester jusqu’à la fin (un choix irrationnel, car ce n’est pas la meilleure décision) ?

Dans cette situation, la perspective de sortir du cinéma et de passer le reste de la soirée à faire quelque chose qui vous inspire davantage ne pèse pas autant dans la balance que la perte illusoire de la somme d’argent déjà dépensée, qui de toute façon est perdue. Ce raisonnement ignore les gains potentiels d’une meilleure utilisation de votre temps et de votre argent.

Quel est l’impact de l’erreur des coûts irrécupérables ?

Si vous avez consacré des années de votre vie à vos  recherches et à vos cours, vous êtes alors potentiellement victimes du biais des coûts irrécupérables –

Vous êtes  incapables d’arrêter tôt ou au bon moment en raison du coût déjà encouru et vous vous forcez à rester en raison du coût irrécupérable.

Ce qui fait que pour vous  l’idée de renoncer à cet investissement est juste difficile à accepter. 

 Vous pensez qu’il est plus facile et plus confortable de continuer à faire ce que vous faites, plutôt que d’affronter les défis de la reconversion et les émotions difficiles associés à la perte et au lâcher-prise. 

Le problème c’est que ce comportement va avoir de sérieux impacts sur votre carrière et même sur la qualité de votre vie.

Continuer à investir dans une voie qui semble sans issue en espérant que ces  investissements finiront par porter leurs fruits, c’est juste une perte de temps et de ressources précieuses, alors que vous pourriez les utiliser pour développer d’autres compétences et explorer de nouvelles opportunités plus prometteuses.

Les cinq clés pour surmonter le biais des coûts irrécupérables et réussir après un doctorat.

prenez conscience de vos biais quand vous décidez de quitter ou pas le milieu académique
Le dilemme : continuer ou pas le parcours sans fin du postdoc

Reconnaître et identifier l’erreur des coûts irrécupérables

Prendre conscience de cette erreur de la pensée et de l’impact qu’elle peut avoir sur votre décision de quitter ou pas le milieu académique, va vous aider à clarifier pourquoi vous avez du mal  à renoncer et à décider de manière la moins biaisée possible.

Remettre en question l’erreur

Derrière le biais des coûts irrécupérables il y’a une croyance    « Il est trop tard pour moi pour changer de carrière » ou encore Je ne peux pas travailler en dehors du milieu académique après tant d’années passées« .

Cette croyance que vous acceptez comme étant la vérité d’une affirmation, n’en est pour autant pas vraie.

A l’instar des autres croyances limitantes, vous pouvez décider de la remettre en question si elle ne vous sert pas et ouvrir la voie à de nouvelles possibilités et perspectives.

Posez-vous ces questions:

  • D’où vient cette croyance ?
  • Quels sont les effets négatifs de cette croyance ?
  • Que pourrait-il se passer si vous continuez à considérer cette croyance comme vraie ?

Puis essayez d’adopter une croyance facilitatrice

  • Quelle pourrait être une croyance différente ?
  • Si cette nouvelle croyance était vraie, qu’est-ce qui serait possible ?
  • Quelles sont les preuves qui pourraient étayer cette nouvelle croyance ?

Lâcher prise

L’un des obstacles majeurs à la remise en question de cette erreur est la difficulté à lâcher prise et à accepter la perte irréversible. Cela peut engendrer chez vous  des émotions telles que la culpabilité, le chagrin, la peur et l’anxiété. Il est important d’autoriser ces émotions à exister et de reconnaître que la résistance au lâcher-prise est souvent alimentée par la peur.

Gérer les émotions et les schémas de pensée 

Les décisions prises sous l’effet de l’émotion peuvent avoir des conséquences indésirables. Il est donc crucial d’explorer et de traiter les émotions et les schémas de pensée qui peuvent influencer les décisions. Des techniques comme celle décrite dans cet article peuvent aider à changer la perspective et à identifier les gains obtenus malgré les investissements passés.

Se concentrer sur les gains

Il est important de reconnaître que les investissements passés n’ont pas été totalement vains. Vous pouvez utiliser des techniques de recadrage et de réévaluation cognitive, vous pouvez par exemple passer en revue tous les avantages et les compétences acquises grâce à l’expérience universitaire. Cela permet de valoriser les acquis et de les utiliser comme tremplin vers de nouvelles opportunités. 

C’est pas facile de le faire seul je vous l’accorde, surtout si vous êtes complètement dans le désarroi. N’hésitez pas dans ce cas à vous faire aider par un thérapeute, un mentor, ou un coach pour vous aider à dresser aussi objectivement possible l’ « inventaire des gains » des avantages que vous avez tirés de vos investissements professionnels, parce que oui il y’en a!

Conclusion

Si vous vous sentez coincé dans le système post-doctoral « sans fin »,   il est important que vous preniez  conscience  du biais des coûts irrécupérables  qui vous pousse à vous accrocher à une mauvaise stratégie .

Identifier ce biais, c’est le reconnaître et ne pas laisser l’irrationnel prendre le dessus sur la logique lorsque vous décidez de quitter ou non le milieu académique.

C’est difficile, mais laissez-moi vous donner un conseil : réfléchissez à ce qui motive réellement votre choix de rester dans le milieu académique. Si votre environnement et votre intuition vous indiquent que cela ne fonctionne pas, prenez en compte les coûts futurs (votre temps est précieux) plutôt que de vous focaliser uniquement sur les coûts passés. Faites quelque chose que vous aimez et dans lequel vous excellez.

Assurez-vous donc que votre désir de poursuivre dans la voie académique est basée sur une évaluation rationnelle des avantages et des coûts à venir, et non pas influencé par les investissements passés qui ne peuvent être récupérés..

Je vous promets que ce n’est pas la fin de l’histoire. Au contraire, c’est le début d’une nouvelle aventure, d’une réinvention de soi, et c’est ce que je vous souhaite.

 

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