On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux” — Antoine de Saint Exupéry

Dans cet article je parle d’un sujet que trop peu d’articles  sur la reconversion des doctorants abordent. La plupart des articles parlent de choses concrètes, comme les options de carrière ou le réseautage. Cependant, la vérité est que la partie la plus difficile de quitter le milieu universitaire, ce sont les émotions qui l’accompagnent.

Changer de carrière est courant dans le monde non académique Mais dans le monde universitaire, ce n’est pas si simple. Il y a une attente, un contrat social, voire une culture qui va à l’encontre de cette logique. De nombreux étudiants entreprennent des études doctorales pour le seul but de devenir enseignant/chercheur

 Par conséquent, prendre la décision de quitter le milieu universitaire après un doctorat ou un postdoc, et chercher un poste hors de ce milieu, peut être traumatisant et difficile. Certains doctorants vivent la période de transition qui suit cette décision comme une forme de deuil inattendu.

Une fois qu’ils réalisent que le chemin vers leur poste de rêve est bloqué, ils sont alors tentés de se lancer rapidement dans la recherche d’un emploi dans l’industrie sans prendre le temps de digérer ce qui vient de leur arriver et sans prendre le temps de processer toutes les émotions qu’ils ressentent suite à ce renoncement, cette perte. 

Mais quand on essaie de changer alors qu’on est motivé par le besoin de se sentir mieux, on s’empresse d’éviter les émotions désagréables de honte, de regret et de peur,  et l’action qui va en découler va être une réaction. On est alors guidé par ses émotions au risque de saboter les tentatives de réussir sa transition de carrière.

Si vous aussi vous venez juste de quitter le milieu universitaire ou si vous envisagez de le faire, sachez que ce n’est pas une bonne stratégie.

Au contraire je vous conseille vivement d’étudier votre état émotionnel, avant de vous lancer rapidement dans la recherche effrénée d’un emploi ou dans le reseautage.

Si  vous n’avez pas travaillé sur vos émotions, ou du moins compartimenté vos émotions liées au fait de renoncer à votre carrière universitaire, vous prenez le risque de subir une autre échec qui viendra renforcer vos émotions et sentiments désagréables, car vos émotions vont transparaître dans votre attitude si vous n’apprenez pas à les explorer.

D’expérience je sais  que les émotions traumatisantes ressenties suite à mon “échec” à décrocher un poste en recherche (astrophysique) et que  que j’ai soigneusement ignorées (car je ne savais pas ni reconnaître ni écouter les émotions) , ont pour beaucoup contribué à saboter ma reconversion, en acceptant le premier job proposé et dans lequel je n’étais pas du tout épanoui.

Les émotions durant la transition post-doctorat

Renoncer à la carrière  de ses rêves est un vrai déchirement.  C’est très douloureux. 

Nous avons l’impression de perdre la chose la plus importante de notre vie. Nous savons que les choses ont changé pour toujours et nous nous sentons tristes, en colère, frustrés et amers.

Nous nous reprochons de ne pas avoir été à la hauteur. 

Nous en voulons à tout le monde, au monde académique, à soi même… 

Voici quelques unes des émotions généralement ressenties par les doctorants qui quittent le milieu académique.

La tristesse: la tristesse est une émotion normale qui résulte généralement d’une perte ou d’un échec.  Malgré les efforts fournis pour décrocher un poste, les docteurs qui voient leur rêve s’évanouir, ressentent une profonde tristesse similaire à celle qu’on peut ressentir à la perte d’un être cher.

La Peur : La peur est une réponse normale à l’inconnu. Et pour de nombreux étudiants diplômés, la recherche d’emploi non universitaire évoque l’image d’un trou noir. 

Les Regrets et déceptions : De nombreux étudiants commencent à se demander comment ils ont passé leur temps. Ils sont déçus que leurs plans n’aient pas fonctionné. Ils regardent autour d’eux des collègues qui n’ont pas fait d’études supérieures et qui sont bien ancrés dans leur carrière. Cela peut être un chemin dangereux à emprunter, car cela encourage à commencer à se concentrer sur ce qu’ils « auraient dû » faire : comme s’ils avaient une boule de cristal et auraient dû savoir ce qui allait se passer. Cela nie également la réalité de ce qui est : ils ont fait des choix au mieux de leurs capacités à ce moment-là et maintenant ils doivent faire de nouveaux choix.

La colère : Qu’elle soit exacte ou non, certaines personnes se sentent induites en erreur par leur département ou leur université. Ils expriment leur colère que personne ne les ait avertis de la diminution des opportunités sur le terrain. Ils se sentent impuissants face à la situation économique. Conclusion : leur rêve a été emporté par des forces extérieures sur lesquelles ils n’avaient aucun contrôle.

Si durant votre transition, vous aussi vous ressentez certaines de ces émotions que je viens de citer (ou d’autres émotions désagréables, ma liste n’est pas exhaustive!), alors, je vous conseille de faire une pause pour prendre le temps de les explorer. Ce serait dommage de les nier ou de les ignorer, voire de les repousser, car cela peut compromettre la réussite de votre transition de carrière. 

Et si vos émotions sont trop difficiles à gérer par vous-mêmes ou si vous vous sentez dépassé, n’hésitez pas à demander un soutien professionnel. 

tristesse

Qu’est-ce qu’une émotion ?

Il n’est pas donné à tout le monde de prendre conscience de ce qui se passe vraiment sur le plan émotionnel, ni même de pouvoir mettre des mots sur ses sentiments. On apprend pas ça à l’école!

Je vais donc commencer par décrire ce que sont les émotions et comment elles fonctionnent. En espérant que ça vous permettra de prendre le recul suffisant pour mieux rebondir.

 Le mot émotion vient du latin exmovere : « ébranler » et de motio : « action de bouger ». Ce qui veut dire qu’une émotion nous sert à nous mettre en mouvement et à passer à l’action.

On pense que l’émotion est un signal électrochimique qui prend source dans notre cerveau. c’est comme une jauge qui nous signale un changement, intérieur ou extérieur à notre organisme, et qui nécessite une action de notre part pour nous y adapter. 

C’est grâce à elle que l’Homme comme l’animal d’ailleurs a pu s’adapter à son environnement au cours de son évolution. Quand l’Homme ou l’animal perçoit une menace, un danger, ou une situation inconnue, il doit se sauver et se mettre à l’abri des prédateurs et changements climatiques, des aliments toxiques… 

Donc une émotion met notre corps en mouvement suite à un stimulus de notre environnement capté par nos différents sens. 

Une émotion c’est aussi une réaction physiologique et cognitive à une situation. C’est généralement une expérience intense et brève.

Ce que j’entends par réactions physiologiques ce sont tous les effets que cette émotion va produire dans notre corps comme par exemple: serrement de la gorge, palpitations, frissons, tremblements, sueur, respiration haletante, boule au ventre….

Quant aux réactions cognitives c’est  l’ensemble des processus mentaux ou cognitifs comme la réflexion, la prise de décision, le raisonnement… et qui sont eux contrôlés par le cortex qui est la partie la plus évoluée de notre cerveau.

Une émotion est donc avant tout une information que notre corps nous livre à travers le déclenchement de réactions physiologiques et cognitives  et ce sont ces réactions qui sont jugées agréables ou désagréables, par nous-mêmes ou par notre entourage.  

Les émotions agréables sont dérivées de la joie qui est la principale émotion agréable qui porte le message de satisfaction validant les actions “oui c’est ce qu’il faut faire…fais le encore!”

Dans les émotions désagréables sujet qui nous intéressent aujourd’hui, on trouve la tristesse, la peur, la surprise, le dégoût et la colère, qui semblent constituer les émotions de base (en tout cas selon les modèles récents de psychologie et sociologie). Chacune de ses émotions est là pour nous livrer un message, une information et il est intéressant de savoir ce qu’elles ont à nous dire. 

Prenons l’exemple de la peur, la tristesse et la colère. 

La tristesse nous livre le message qui nous dit qu’il y a une perte et que l’action nécessaire à notre organisme est de lâcher cette chose, de nous en libérer, à accepter de faire le deuil de cette perte.  En bref, elle nous informe que c’est fini!

La peur, elle, nous envoie le message “sauve-toi, fuis!”. Elle nous informe qu’on ne peut pas lutter contre la chose qui suscite la peur, elle est trop dangereuse.

Tandis que la colère, nous indique qu’il faut repousser l’intrusion, elle mobilise l’énergie nécessaire pour faire respecter son territoire. Elle donne la force de repousser une chose, une idée, un souvenir parce que c’est dangereux pour nous.

emotion agréable

Pourquoi nous centrer sur nos émotions ?

La première raison c’est parce que cela nous renseigne sur nos besoins. Si on a peur d’aller à la recherche d’un job dans l’industrie par exemple, peut-être que prendre conscience de cette peur va vous permettre de comprendre la raison à l’origine de cette peur. Peut-être que vous allez comprendre que vous avez juste peur de renoncer à certaines de vos valeurs, ou que vous doutez de vos compétences. 

La deuxième raison pour laquelle il est important de s’intéresser aux émotions c’est que cela va vous  permettre de vous rendre compte des stratégies que vous développez pour les éviter (c’était une de mes spécialités pendant les 40 premières années de ma vie )  par exemple éviter les entretiens d’embauche à cause de la peur.  Ou alors compenser les émotions désagréables par des expériences plaisantes et distrayantes  (comme regarder la télé, manger des gâteaux…). 

Notre cerveau, a comme seul souci nous maintenir en vie, et dans l’évolution, rester en vie ça signifiait :

  • rechercher en priorité le plaisir donc les émotions positives
  • fuir l’inconfort et toute source de danger et donc  les émotions négatives

Comprendre cela, est un grand pas vers la régulation de nos émotions.

Une émotion refoulée, est une émotion qui grossit

Ressentir des émotions désagréables, est tout à fait normal. C’est inévitable. 

Tal Ben Shahar — qui a enseigné le cours le plus populaire de l’histoire de Harvard sur le bonheur — dit de façon célèbre que seuls deux types de personnes ne ressentent jamais d’émotions négatives — les psychopathes et les morts. 

Comme j’ai expliqué plus haut, ce ne sont que des messagers qui vous informe que quelque chose va mal et qu’il faut agir… et non pas réagir…! Malheureusement, nous avons été conditionnés dans notre culture occidentale, à réprimer nos émotions, car souvent associées à de la faiblesse.

Or ce qu’il faut savoir, c’est que vous ne pouvez pas éviter d’éprouver des émotions négatives — et en les repoussant, en les ignorant — vous les intensifiez et alors elles deviennent plus grandes et plus fréquentes avec le temps jusqu’à devenir de véritables angoisses. 

Développer sa conscience émotionnelle

Le fait de savoir que les émotions sont gérées dans notre cerveau et génèrent chez nous des sensations physiques, est très important. Car finalement, vous prenez conscience que ce dont vous avez peur finalement c’est juste de ressentir ces sensations physiologiques que nous jugeons désagréables!

L’étape suivante est de développer sa conscience émotionnelle, c’est à dire apprendre à les reconnaître, les nommer, les accueillir avec bienveillance et savoir dans quelles situations elles se manifestent jusqu’à pouvoir les anticiper. C’est une des clés pour mener une vie plus heureuse et plus épanouissante. Lorsque nous savons ce que nous ressentons, nous accueillons nos émotions et nous les comprenons, nous savons ce que nous aimons faire et prenons plaisir à le faire.  Nous savons avec qui nous nous sentons en sécurité, par qui nous nous sentons acceptés et compris. Bref, nous apprenons à mieux nous connaitre. 

Bien que nous soyons capables de mener une vie productive, même une vie « réussie » – si l’on définit le succès par le niveau de son statut social, son éducation ou sa valeur – il est peu probable que nous soyons réellement heureux à moins que nous ne soyons très conscients de nos sentiments spécifiques. 

Et la bonne nouvelle c’est qu’en développant sa « conscience émotionnelle », vous allez apprendre « à reconnaître comment vos émotions vous affectent, comment elles affectent vos performances et vos relations aux autres» (Goleman, 2018).

Je reviendrai dans un prochain article sur la conscience émotionnelle et comment apprendre à gérer ses émotions. C’est une gymnastique que je vous conseille de pratiquer au quotidien, c’est vital si vous souhaitez reprendre le contrôle de votre carrière et de votre vie en général.

Mais pour le moment, je vous propose de prendre le temps, d’explorer vos émotions, de les nommer, et  de décrire les symptômes physiques physiologiques que vous ressentez suite à ces émotions. Cela va être intéressant de noter aussi comment vous vous sentez après cet exercice. 

Si vous éprouvez des difficultés avec vos émotions et avez besoin de support et d’outils pour les gérer, n’hésitez pas à m’envoyer un message ou tout simplement réserver un appel gratuit et sans engagement avec moi ou laissez moi votre message

 

Ressources

Working with emotional intelligence D.Goleman 1998

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